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Robert Villate, aujourd’hui reconnu de tous comme un résistant patriote et
déterminé, a endossé à la fois les rôles d’acteur et de témoin dans la
Libération de Paris. Sa formation d’Etudes Supérieures d’Histoire et de
Géographie ainsi que son doctorat de Lettres obtenus à Paris entre
1911 et 1925 lui ont permis, d’une part, d’acquérir une formation solide
d’enseignant et, d’autre part, de développer ses qualités d’écrivain, qui lui
ont donc permis de relater a postériori les évènements qui ont marqué sa
carrière de résistant.
 
Robert Villate a donc eu à la fois l’oeil d’un fin observateur, riche de sa
connaissance militaire et historique, et un rôle actif dans la mise en place
et la coordination des opérations qui ont permis la libération de Paris, en
tant que membre de l’Etat-Major de Rol Tanguy. C’est l’addition de
ces deux rôles qui permet à Robert Villate d’être un témoin privilégié
de ces évènements et c’est aussi ce qui fait la spécificité de son
personnage.
 
Dés le début de sa carrière militaire, qui a débuté dans les années 1910,
Robert Villate, tout d’abord soldat de deuxième classe, puis rapidement
élevé au rang de caporal, a toujours respecté les valeurs militaires, qui
lui ont été inculquées dès son plus jeune âge par son père, Lucien Henri
Villate, un officier et intendant militaire. Devoir, fidélité, respect, honneur,
intégrité, courage personnel et, bien sûr, un patriotisme sans faille l’ont
guidé au cours de sa vie et ont façonné son personnage atypique.
 
Mais au-delà de ses qualités militaires évidentes, Robert Villate était
aussi caractérisé par son attachement profond à l’École alsacienne. Tout
d’abord élève, puis professeur et enfin directeur de cette école, il
incarne donc une figure principale de son histoire. En septembre 1958, quelques mois après la mort de Villate, son testament révèle qu’il cède à l’École alsacienne sa collection complète d’ouvrages d’Histoire et de Géographie, ce qui constitue un véritable exemple de cet attachement envers son ancien établissement. En octobre 1958, Georges Hacquard, alors directeur de l’Ecole, adresse à la veuve de Robert Villate une lettre de remerciement très chaleureuse, dans laquelle il indique que “ce précieux cadeau matérialise à nos yeux tout l’attachement de son ancien directeur pour son école”. Outre le lègue de sa collection d”ouvrages, on peut lire dans son testament qu’une part de son héritage était réservée au financement d’une bourse, qui devait permettre à un fils de pasteur ou de militaire de suivre sa scolarité à l’École alsacienne. Ce geste généreux met donc en avant, une fois de plus, la “double vie” de Robert Villate, qui mêle carrière militaire et attachement véritable à son école.
Enfin, dans une lettre de mars 1959, adressée à Monsieur Testard, un ancien collègue de son mari, Madeleine Villate écrit : “Je ne puis songer à l’École alsacienne sans déchirement quand je me rappelle à quel point mon mari l’a aimée”.
 
Considéré par beaucoup comme un personnage peu chaleureux et sans grande ouverture d’esprit, ce résistant exemplaire était en effet réservé et n’a que très peu dévoilé son rôle dans la Résistance. Au lendemain de la guerre, celui-ci ne sera que partiellement et progressivement révélé notamment grâce à de nombreux récits et témoignages rédigés par lui-même ou ses compagnons résistants.
 
Le Colonel Robert Villate acteur lorsqu’il prend part à la préparation et à la conduite de l’insurrection, intervient également comme témoin lorsqu’il rédige, dans la Revue d'histoire de la 2de Guerre mondiale, une étude sur la période s’étendant du 19 au 27 août. Il est le seul membre de l’état-major de Rol-Tanguy a avoir rédigé un article à vocation historique sur la manière dont a fonctionné le commandement des Forces Françaises de l’Intérieur de l’Ile-de-France au cours de la bataille pour la libération de Paris. Ainsi, le colonel Villate rapporte les faits avec une extrême précision, rappelant de ce fait les postes de chacun des participants, les dates de chaque événements ou bien encore le nombre d’arme possédées par les troupes.
 
Ainsi, dans l’ouvrage Libération de Paris, Les cents documents, qui rassemble des centaines de documents et témoignages relatant les événements qui ont marqué les six jours de la libération de la capitale, on trouve de nombreux documents rédigés par Robert Villate, dont certains extraits illustrent la vie quotidienne de l’Etat-Major et du Poste de Commandement de Denfert Rochereau. Ces extraits constituent donc de précieux témoignages qui permettent de mieux saisir le mode de fonctionnement de l’Etat-Major.
 
« Le Poste de Commandement fonctionne normalement comme un véritable organe de commandement. On vit dans cet abri souterrain. Plusieurs fois par jour le colonel et ses adjoints sortent, accomplissent des missions de liaison dans les différents quartiers de Paris, aux Préfectures, rue Guénégaud au PC du département de la Seine, aux
organes de la résistance des  arrondissements ou de quartiers. Il arrive qu’il ne reste qu’un ou
deux officier à Denfert. 
Une liaison téléphonique directe avec la Préfecture de police permet de recevoir de nombreux
messages par lesquels elle transmet les renseignements reçus des commissariats de police,
ou des sources très nombreuses qui, ne sachant à qui s’adresser, se tournent vers la
Préfecture, qui paraît le symbole de la Résistance. Ces renseignements souvent exagérés sont
contrôlés par le PC, confirmés ou non par ses correspondants des eaux ou du métro, ce qui fait
que le PC de Denfert est toujours au courant de la situation réelle de la bataille, et peut
prendre à bon escient les mesures qui s’imposent. On peut estimer que, pendant la période où
le PC est à Denfert, il reçoit 285 communications de la Préfecture de police, ce qui
représente une cinquantaine de communications par jour. »
Rol-Tanguy raconte aussi la vie quotidienne du PC de Denfert au cœur de l’insurrection :
« Avia, Villate, et moi-même avions à notre disposition une pièce aménagée en bureau. Nous
dormions et mangions sur place. Le menu était des plus simples : des pommes de terre à
l’eau avec des bardes de lard, des sardines à l’huile que Tavès nous a procurées, de l’eau
comme boisson mais, chose rare, du pain blanc. Pour terminer ce frugal repas, un petit verre
de bénédictine. Nous aurions pu nous alimenter beaucoup mieux mais nous tenions à
respecter les restrictions imposées aux Parisiens».
 
Ces éléments, qui peuvent paraître assez triviaux, sont une véritable illustration des
valeurs auxquelles Villate et ses compagnons étaient profondément attachés. A titre d’exemple,
par respect pour les Parisiens, les membres de l’Etat-Major, alors qu’ils auraient pu bénéficier
d’avantages matériels, ont préféré respecter les restrictions qui étaient alors imposées à leurs
compatriotes.
 
D’autres témoignages de Robert Villate nous permettent de découvrir un autre aspect de se
personnalité. En effet, dans Rol-Tanguy, des brigades internationales à la libération de
Paris, publié par l’historien Roger Bourderon en 2004, on remarque que Villate, souvent
considéré comme un personnage froid, avait une réelle considération pour les autres
membres de l’Etat Major. Robert Villate rappelle en effet avec émotion que l’Etat Major était
constitué, outre les chefs de bureaux et leurs collaborateurs directs, de « secrétaires féminines »,
de « chauffeurs et des gardiens venant de la police ou des gardes républicaines », et
d’«agents de liaison des deux sexes », etc… Il déclara aussi que « énumérer les membres de
mon état-major, c’est déjà montrer combien il dispose de gens qualifiés, bien au courant des
questions militaires, parfaitement capables d’exercer leurs responsabilités et d’accomplir les tâches qui leur sont confiées». 
 
Rol-Tanguy se rappelait aussi avec émotion qu’au lendemain de la Libération, Villate et Avia, ses deux plus proches collaborateurs, lui avaient dit : « Avec vous, on avait confiance. » Il avait vu en cette simple phrase le plus bel hommage qu’aient pu lui rendre des militaires professionnels.
 
Robert Villate apparaît donc comme un personnage atypique qui a gardé, tout au long de ses carrières militaire, scolaire ou encore résistante, une rigueur militaire alliée à fort sens moral.

Un personnage atypique

Ci-contre, une copie de la lettre de Georges Hacquard adressée à Madeleine Villate, le 1er Octobre 1958.

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